{"id":3609,"date":"2012-08-18T11:36:15","date_gmt":"2012-08-18T09:36:15","guid":{"rendered":"http:\/\/www.kairos-peniche.com\/?p=3609"},"modified":"2012-08-19T10:31:24","modified_gmt":"2012-08-19T08:31:24","slug":"reveries-dun-passager-solitaire-conseils-aux-reveurs","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.kairos-peniche.com\/la-vie-du-kairos\/reveries-dun-passager-solitaire-conseils-aux-reveurs\/","title":{"rendered":"R\u00eaveries d’un passager solitaire, conseils aux r\u00eaveurs"},"content":{"rendered":"

Voici le carnet de voyage de G\u00e9rard le sp\u00e9cialiste de la traction de halage sur les canaux, qui nous a beaucoup document\u00e9 sur ce sujet (voir son site<\/a> tr\u00e8s complet) et qui est venu naviguer quelques jours avec nous pour comparer l’\u00e9tat du canal lorsqu’il le suivait avec son p\u00e8re employ\u00e9 de la soci\u00e9t\u00e9 de tractage et l’\u00e9tat de celui \u00e7i maintenant. no comment …<\/p>\n

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R\u00eaveries d’un passager solitaire, conseils aux r\u00eaveurs<\/p>\n

Pour un dater1<\/sup><\/a><\/sup>, c’est un moment \u00e0 dater que de voyager pour la premi\u00e8re fois \u00e0 bord du Ka\u00efros.<\/p>\n

D’abord il faut \u00eatre admis par les dabords. Marine et Gilles. Normal, il sont chez eux, ce n’est pas un h\u00f4tel flottant, ce sont eux qui vous invitent \u00e0 bord et d\u00e9cident quand. Savoir o\u00f9, c’est une autre paire de manches et, une semaine \u00e0 l’avance, ne pariez pas celles de votre chemise sur un canal ou un autre. Eux-m\u00eames sont soumis \u00e0 d’autres volont\u00e9s.<\/p>\n

Une fois l’accord \u00e9tabli entre eux et vous sur la p\u00e9riode, vous \u00eates suspendu aux informations sur le voyage et son avancement pour penser, voire r\u00eaver, \u00e0 votre s\u00e9jour.<\/p>\n

On dit qu’un voyage se fait trois fois. Quand on le pr\u00e9pare, quand on le fait, et quand on en revoit les images. Pr\u00e9parez, c’est mieux, mais ne r\u00eavez pas sur le lieu. (ou alors pensez \u00e0 toutes les \u00e9ventualit\u00e9s, mais vous en oublierez forc\u00e9ment) Ici, on s’adapte, les technocrates maniaques de la planification auront du fil \u00e0 retordre. C’est que les impond\u00e9rables qui les obligeraient \u00e0 modifier le planning ne sont rien moins que les al\u00e9as des affr\u00e8tements et du travail dans les ports o\u00f9 les d\u00e9lais ne sont pas garantis. Et encore, on ne vous parle pas des jours o\u00f9 l’eau du canal s’\u00e9vapore ou fuit. C’est rare mais \u00e7a peut emp\u00eacher le bateau de naviguer.<\/p>\n

Il faut de la souplesse disent vos amphitryons. Notez le bien, car si vous r\u00eavez trop fort, vous risquez d’\u00eatre d\u00e9\u00e7u. Si vous aimez prendre les choses comme elles viennent, en bon adepte du dieu Ka\u00efros, le dieu grec des occasions \u00e0 saisir, ce sera plus facile.<\/p>\n

Ne vous d\u00e9couragez jamais, vos h\u00f4tes sont aguerris aux adaptations \u00e0 ces al\u00e9as. Cool Raoul, \u00e7a baigne. Et si vous \u00eates au sec, pensez que le dieu des occasions \u00e0 saisir est peut-\u00eatre aussi celui des d\u00e9sillusions \u00e0 maitriser.<\/p>\n

Pensez aussi que si vous piaffez en imaginant les endroits o\u00f9 vous allez contempler le paysage \u00e0 4\u00a0km\/h (en moyenne) Marine et Gilles ont leur bateau \u00e0 faire marcher et pas toujours le temps de r\u00e9pondre par retour \u00e0 vos questions. Quoi qu’il y a des moments o\u00f9 on se dit qu’on va les d\u00e9ranger et o\u00f9 ils r\u00e9pondent aussi gentiment que s’ils n’avaient que \u00e7a \u00e0 faire.<\/p>\n

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Bon \u00e7a y est le grand jour est arriv\u00e9. Vous \u00eates sur place, faisant connaissance avec trois personnages\u00a0: Un homme, une femme et un bateau. C’est le bateau qui parle le moins, mais lui aussi vous mettra \u00e0 l’aise.<\/p>\n

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Aper\u00e7u de mon voyage<\/p>\n

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Je suis arriv\u00e9 \u00e0 Ch\u00e2teau-Porcien, au quai du silo \u00e0 c\u00e9r\u00e9ales, lieu du rendez-vous.<\/p>\n

Ce sont des gens charmants. Au sens courant bien s\u00fbr, mais aussi au sens \u00e9tymologique. Ils m’ont offerts un rafraichissement \u00e0 l’arriv\u00e9e et il devait y avoir un philtre magique dedans. Deux heures apr\u00e8s avoir fait leur connaissance, j’\u00e9tais aussi \u00e0 l’aise que si notre premi\u00e8re rencontre remontait \u00e0 15 ans. J’\u00e9tais ensorcel\u00e9. Quand ils se sont pr\u00e9sent\u00e9s j’avais r\u00e9pondu\u00a0: \u00a0\u00bb\u00a0Enchant\u00e9\u00a0\u00ab\u00a0. Je ne croyais pas si bien dire.<\/p>\n

Le bateau, vide, ne partait pas tout de suite. Le nettoyage des salissures du voyage pr\u00e9c\u00e9dent, des engrais, \u00e9tait en cours et s’est poursuivi toute la journ\u00e9e du lendemain. Foutu boulot. La matin\u00e9e suivante \u00e9tait consacr\u00e9e au chargement de 250\u00a0t de bl\u00e9. C’est avec le bl\u00e9 que Marine et Gilles font leur beurre. (Enfin je ne suis pas s\u00fbr)<\/p>\n

Le bateau charg\u00e9, les amarres largu\u00e9es, les deux premiers biefs parcourus, coup de t\u00e9l\u00e9phone de l\u2019affr\u00e9teur\u00a0: D\u00e9tournement de cargaison. Le bl\u00e9 pour Anvers est maintenant \u00e0 livrer \u00e0 Bruges.<\/p>\n

La raison est inconnue, mais on peut se douter que des op\u00e9rations commerciales sur la cargaison sont derri\u00e8re \u00e7a.<\/p>\n

Et voil\u00e0 l\u2019itin\u00e9raire \u00e0 refaire, et le trajet ferroviaire que j’avais pr\u00e9vu pour revenir \u00e0 mon point de d\u00e9part est \u00e0 revoir. J’\u00e9tais pr\u00e9venu. Je n’\u00e9tais pas sur un bateau de croisi\u00e8re, mais sur un bateau de transport de fret. L’impr\u00e9vu peut m’amuser si je suis dans de bonnes dispositions et c’\u00e9tait mon cas ce jour l\u00e0. Le charme \u00e9videmment.<\/p>\n

Un bateau de plus de 38\u00a0m ne fait pas demi-tour n’importe o\u00f9 sur un canal. Forc\u00e9ment, il est plus long que le canal n’est large. Il y a des endroits pr\u00e9vus pour \u00e7a, il y en a \u00e0 proximit\u00e9 des lieux de chargement\/d\u00e9chargement, ailleurs c’est plus rare. De plus, en raison du mauvais entretien du canal, le retournement d’un bateau vide est possible l\u00e0 o\u00f9 celui du m\u00eame bateau charg\u00e9 ne sera pas possible en raison de son enfoncement dans l’eau plus important, la profondeur de la zone de virement \u00e9tant insuffisante, contrairement \u00e0 ce qui est mentionn\u00e9 dans le guide de navigation. C’est bien connu, la th\u00e9orie et la pratique sont souvent diff\u00e9rentes.<\/p>\n

Finalement le changement de destination a \u00e9t\u00e9 envisag\u00e9 trop tardivement, il aurait fallu aller trop loin pour faire demi-tour, l\u2019allongement de distance et de temps serait trop important et on ne change rien.<\/p>\n

La souplesse des \u00e9changes commerciaux y a perdu en raison de l’insuffisance des cr\u00e9dits octroy\u00e9s \u00e0 la voie d’eau. \u00c9conomies d’un cot\u00e9, pertes de l’autre. Quel est le gain pour l’\u00e9conomie du pays\u00a0?<\/p>\n

Nous voil\u00e0 sur le canal des Ardennes en direction de la Meuse. Ce qui frappe quand on n’est pas un habitu\u00e9 des voyages sur la voie d’eau, c’est l’\u00e9tat d’entretien (ou d’abandon pour \u00eatre exact).<\/p>\n

Il y a aussi des moments o\u00f9 \u00e0 regarder certains d\u00e9tails on se demande si beaucoup de membres du personnel de VNF ou des services de navigation sont int\u00e9ress\u00e9s (au sens courant s’entend, au sens p\u00e9cuniaire on sait que non) par le fonctionnement de ce service public. Si toutefois ce terme a encore un sens. Un effort de remotivation est sugg\u00e9r\u00e9 \u00e0 la hi\u00e9rarchie, en s’en donnant les moyens, bien s\u00fbr.<\/p>\n

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Arbres engageant fortement le gabarit de navigation, berges effondr\u00e9es, lisses en bois pourries, aux fers de fixation agressifs pour les coques, v\u00e9g\u00e9tation poussant sur les ma\u00e7onneries des \u00e9cluses ou les armatures des portes, insuffisance du nombre de bollards ou certains d’entre eux cach\u00e9s par la v\u00e9g\u00e9tation, profondeur du chenal insuffisante, le bateau frottant la vase et ne pouvant avancer qu’\u00e0 une vitesse \u00e0 peine sup\u00e9rieure \u00e0 celle donn\u00e9e par les chevaux au d\u00e9but du XX\u00e8me si\u00e8cle, j’en oublie, (faudrait que j’y retourne en pensant \u00e0 noter) le nombre de choses compliquant le travail des mariniers est impressionnant.<\/p>\n

Si, si, \u00e7a passe encore.<\/p>\n

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credit photo papidema.free.fr<\/p>\n

C’est difficile d’arracher \u00e7a\u00a0? Ah, ouais, faut un bateau.<\/p>\n

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La navigation sur canal est normalement paisible. Seul bruit, celui, r\u00e9gulier, du moteur. Mais de temps en temps on entend un choc et on sent la secousse qui va avec. Le passager novice s’inqui\u00e8te. Entre nous, il fait bien, c’est que le mat\u00e9riel souffre. Mais le marinier ne bronche pas si ce n’est pas trop fort, h\u00e9las il a l’habitude, ce n’est qu’une pierre du fond (il ne devrait pas y en avoir) que le bateau vient de d\u00e9placer ou concasser. Ou l’h\u00e9lice qui laboure le fond et vient de rencontrer une branche. Voire n’importe quel objet incongru.<\/p>\n

Dans ma jeunesse, celle o\u00f9 j’ai \u00e9t\u00e9 \u00e9lev\u00e9 au bord du canal, celui-ci \u00e9tait vid\u00e9 r\u00e9guli\u00e8rement, nettoy\u00e9 de ces incongruit\u00e9s et recalibr\u00e9 quitte \u00e0 y faire descendre des engins \u00e0 chenilles. On me dit que \u00e7a ne se fait plus. Certains subdivisionnaires ne sauraient m\u00eame pas que \u00e7a s’est fait.<\/p>\n

Certains usagers pr\u00e9tendent que les canaux sont toujours dans l’\u00e9tat o\u00f9 ils \u00e9taient il y a un si\u00e8cle. Aurait-ils tort et aurions nous r\u00e9gress\u00e9\u00a0?<\/p>\n

Qui peut croire qu’aujourd’hui on pourrait transporter le m\u00eame tonnage que dans les ann\u00e9es 1950. Quelle quantit\u00e9 de transport la voie d’eau actuelle peut-elle offrir\u00a0? D\u00e8s lors comment s’\u00e9tonner qu’il n’y ait pas plus de demande\u00a0?<\/p>\n

Que dirait l’usager moyen d’une route pleine de trous, avec des effondrements de talus neutralisant un quart de la largeur, des arbres poussant sur la chauss\u00e9e\u00a0? Un coup \u00e0 changer de d\u00e9put\u00e9 aux prochaines \u00e9lections, du coup le d\u00e9put\u00e9 s’en occupe. Pour la voie d’eau qui s’en \u00e9meut\u00a0? Mais \u00e0 lire les conclusions du Grenelle de l’Environnement on est s\u00fbr que \u00e7a va changer.<\/p>\n

J’ai pass\u00e9 25 ans \u00e0 l’entretien des routes en redoutant la condamnation de l’administration (et la mienne au cas o\u00f9 je n’aurais pas fait mon boulot alors que j’aurais pu) pour d\u00e9faut d’entretien, notion juridique bien utilis\u00e9e par les tribunaux.<\/p>\n

Il semble que cela n’ait pas cours dans le domaine fluvial.<\/p>\n

Bon assez r\u00e2l\u00e9, il est de nouveau temps de s’aider pour que le ciel ne nous abandonne pas.<\/p>\n

On sentait des vibrations lors des acc\u00e9l\u00e9rations du r\u00e9gime moteur. A l’escale, Gilles d\u00e9couvre une corde qui flotte \u00e0 l’arri\u00e8re. On tire dessus, \u00e7a r\u00e9siste. Elle est prise dans l’h\u00e9lice. On tente une marche arri\u00e8re pour la d\u00e9gager. \u00c9chec, mais Kairos pas mat. On fait appel \u00e0 Marine plong\u00e9e SA.<\/p>\n

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La corde cause de la plong\u00e9e est encore dans l’h\u00e9lice.<\/p>\n

En apn\u00e9e s’il vous plait. Et une bonne demi-heure plus tard la corde \u00e9tait remont\u00e9e sur le Kairos. Je dois pr\u00e9ciser que Marine est remont\u00e9e plusieurs fois pour respirer. On a ses limites quand m\u00eame.<\/p>\n

Un premier morceau de la corde est remont\u00e9. Au suivant. Marine y retourne.<\/p>\n

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credit photo papidema.free.fr<\/p>\n

Le reste de mon s\u00e9jour s’est d\u00e9roul\u00e9 sans autres surprises. \u00c9tonnant, non\u00a0?<\/p>\n

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1<\/a>Dabord, \tdater<\/strong><\/span><\/span> : \tpour le marinier, le genre humain se divise en deux cat\u00e9gories. Il \ty a les \u00ab\u00a0dabord\u00a0\u00bb, c’est \u00e0 dire les gens d’\u00e0 bord, \tautrement dit les mariniers comme lui. Et puis il y a les autres, \tles \u00ab\u00a0dater\u00a0\u00bb (le R se prononce), c’est \u00e0 dire les gens d’\u00e0 \tterre. Le \u00ab\u00a0dater\u00a0\u00bb est un peu au marinier ce que le gadjo \test au gitan.<\/span> (Ch B)<\/p>\n<\/div>\n

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